Laurige Boyer, éco-entrepreneur et explorateur

Éco-entrepreneur, c’est ainsi que se définit Laurige Boyer, spécialiste du tourisme. « Je m’éclate à monter des projets », reconnaît-il. À son actif, un camp d’été estampillé luxe et écolo au Ladakh, une croisière sur le Gange, et des voyages sur mesure au nord-est de l’Inde, entre Assam et Meghalaya.

Le « piège » du trekking dans l’Himalaya

Piège, car c’est ainsi que Laurige est tombé amoureux de l’Inde. Un stage et un trekking dans l’Himalaya le convainquent de chercher du travail en Inde. « Je ne voulais surtout pas rester en France. J’avais vu ce qui se passait dans les agences de tourisme d’aventure, ce n’était que des objectifs et des chiffres… Moi, j’étais à la recherche d’aventures. »

Une opportunité dans une petite agence de Delhi

L’opportunité se présente, en 2007, sous la forme d’une petite annonce sur un forum, postée par une nouvelle agence de voyages franco-indienne basée à Delhi, Shanti Travel. « À l’époque, nous étions huit, quatre Français et quatre Indiens. On travaillait dans un appartement. Au début, j’étais responsable du pôle Himalaya et j’étais seul. Au bout de 5 ans, je gérais une équipe de huit personnes, puis je suis devenu chef de production. »

Laurige éco-entrepreneur en Inde

Laurige éco-entrepreneur en Inde

L’agence devient, au fil des années, l’un des leaders en Asie, mais Laurige ressent le besoin « de faire ses propres armes ».

 Un business plan devant la montagne

 L’idée germe au cours de l’été 2011. « J’ai fini mon contrat chez Shanti Travel par une saison au Ladakh en tant qu’accompagnateur ». Les 1 000 km à pied dans l’Himalaya indien en trois mois – dont le franchissement de trois cols à 6 000 m, sont profitables. « J’ai créé mon camp dans ma tête et monté le business plan, en méditant devant la montagne. »

Un an plus tard, à l’été 2012, le Tsermang Eco Camp accueillait ses premiers voyageurs, et Laurige faisait ses premières armes d’éco-entrepreneur.

Éco-luxe sous la tente

Le concept du camp tient en deux mots : luxe et écologie. On dort sous la tente certes, mais sur des matelas dignes des grands hôtels et avec salle de bain communicante. Côté écologie, le camp est alimenté en électricité et eau chaude par des panneaux solaires, les employés viennent des villages alentours, le restaurant utilise les produits bio locaux et les draps et serviettes sont en coton organique.

Un projet sportif à monter

Dit comme cela, tout à l’air facile. Mais il aura fallu à Laurige patience et ténacité pour mener à bien son projet.

Des difficultés au sommet

Tsermang camp en fin de journée

Tsermang camp en fin de journée

Ne serait-ce que pour rassembler le matériel nécessaire et l’envoyer vers le « pays des hautes passes ». Un mois de voyage en camion et à pied sur 1 000 km de cols himalayens aura été nécessaire pour acheminer le matériel vers le futur camp.

À l’issue de ce périple, Laurige renonce sagement à son idée de départ : un camp mobile – l’été au Ladakh et l’hiver dans le nord est de l’Inde. Le matériel reste stocké sur place en hiver et le camp est remonté chaque année au bord de l’Indus.

Une main d’œuvre locale à former…

Avoir des tentes de luxe équipées, c’est bien. Encore faut-il avoir le personnel qui va avec et qui sera capable de faire tourner le camp. En dépit du manque d’école d’hôtellerie au Ladakh (et en Inde, de manière générale), l’éco-entrepreneur responsable fait appel aux habitants : « Ce sont des jeunes qui n’ont pas grand chose à faire pendant les sept mois d’hiver. Là-bas, les gens hibernent. » Ils sont formés directement au camp, « grâce à ma famille. Ma femme et ma belle-sœur sont indiennes. Cela aide pour former et communiquer avec le staff. Elles connaissent la culture locale. Elles savent comment parler à une personne et respecter les us et coutumes locales, ce qu’il faut dire pour booster les employés. »

… et à garder

Ces cinq mois, entre mai et septembre, sont cruciaux pour les habitant : « C’est durant cette courte période qu’ils vont pouvoir gagner de l’argent pour le reste de l’année. » Aussi la tentation est grande d’aller voir ailleurs en cours de route qui paie mieux. Mais l’éco-entrepreneur a réponse à tout : « On fait des contrats – ce qui n’est pas courant en Inde – qui stipulent que je paye en fin de saison. Lorsqu’en milieu de saison certains employés veulent partir, je leur rappelle les termes du contrat. Les employés qui voulaient s’en aller découvrent avec des yeux ronds le contrat qu’ils ont signé souvent sans lire. Mais en milieu de saison, je ne peux pas me permettre de retrouver quelqu’un en plein rush. Je leur avance ce qu’ils veulent pendant la saison, mais le solde n’est payé qu’à la fin. »

Sans oublier que les employés, sur tous les projets lancés par Laurige, sont payés 20 % de plus qu’ailleurs afin de limiter le turn over.

 

Des attentes variées sur le camp

Des fans de trekking…

rafting sur l'Indus par des clients du Tsermang eco camp

rafting sur l’Indus par des clients du Tsermang eco camp

Le camp attire beaucoup de Français. 40 % de la clientèle au Ladakh est française, venu pour le trekking. Référencé sur Booking.com et en première position sur Tripadvisor dans la catégorie logement spécialisé, le camp travaille aussi en B2B, avec Shanti Travel ou avec des agences de voyages spécialisées comme Vintage Rides. Aussi n’est-il pas rare de voir des clients arriver à moto au camp. Si en juillet et en août, les touristes sont majoritairement occidentaux, en mai et juin, la clientèle est plutôt indienne. Et les attentes sont bien différentes.

…aux visiteurs du Ladakh

Luxe et écologie sous la tente

Luxe et écologie sous la tente

Pour la clientèle indienne, visiter le Ladakh, c’est le voyage à faire au moins une fois dans sa vie. Le film Trois Idiots, sorti en 2009, dont la dernière scène est tournée au Pagong Lake, a donné à beaucoup d’Indiens l’envie de visiter la région. Et nombreux sont ceux qui commencent à franchir le pas.

Si la plupart des clients indiens comprennent immédiatement l’esprit du camp, d’autres envisagent l’expérience comme un produit de consommation. « Quand certains clients me demandent s’il y a une connexion, je réponds “Oui, avec la nature.” Certains rient et d’autres prennent directement un taxi pour aller dans un cybercafé en ville. »

 

 

Serial éco-entrepreneur

Ouvert pour sa quatrième saison, le camp marche très bien. Le système est bien rôdé, tant pour Laurige que pour le personnel. Ce qui signifie, pour l’entrepreneur, qu’il est temps d’imaginer d’autres projets.

Une croisière au fil du Gange

D’autant plus qu’entre septembre et mai, il faut bien s’occuper. Et pourquoi pas avec une croisière sur le Gange ? Contrairement au Nil, et en dépit de sa dimension sacrée, le Gange est assez peu utilisé par les voyageurs.

 

À la découverte de l’Inde rurale

Un bateau écolo sur le Gange

Un bateau écolo sur le Gange

Avec un bateau retapé à Varanasi, Ganga Boat Ride & Cruise propose d’octobre à mars de naviguer sur le Gange. Les croisières sont modulables, de 2 à 6 jours à bord selon le temps dont les voyageurs disposent. Point de départ ou d’arrivée, découvrir Varanasi depuis le Gange est « une expérience extraordinaire au coucher du soleil. C’est l’une des plus anciennes villes habitées du monde.. et un véritable capharnaüm. »

Là encore, l’éco-entrepreneur a une vision responsable et écologique. « Nous nous arrêtons dans des villages de potiers où personne ne s’arrête. Vingt gamins nous accueillent dès que l’on descend du bateau. C’est un voyage hors du temps pour découvrir l’Inde rurale. » Or le risque est d’être vite copiés, et mal, ainsi que de voir rapidement des plages aujourd’hui désertes devenir un lieu de débarquement incessant de bateaux de touristes. « On essaie de ne pas polluer touristiquement les villages, en changeant d’arrêts à chaque voyage. »

Une expérience exclusive

luxe et couleurs sur le gange

luxe et couleurs sur le Gange

Le fait que le bateau remonte à vide vers son point de départ en fait un voyage assez cher. Il faut compter en gros 100 € par jour et par personne, repas inclus. Mais l’idée est prisée par les agences de voyages : Shanti Travel, Terres Oubliées et Routes du Monde (au Canada)… « C’est le genre de voyage dont on peut dire : personne ne l’a fait. »

 

Une agence spécialisée dans le Nord-Est

Ces deux activités complémentaires fonctionnant bien aujourd’hui, le serial éco-entrepreneur continue sur sa lancée. « Mon épouse est originaire du Meghalaya, au nord-est du pays, à la frontière bangadeshi; cette région compte sept États, connus sous le nom des Seven Sisters », avec des cultures propres, différentes de l’Inde des plaines. « Avant la domination britannique, c’étaient des royaumes à part entière. Ce sont des régions peu polluées par le tourisme et par le monde moderne. »

L’occasion pour Laurige de lancer un nouveau projet : Eastern Routes autour de thématiques spécifiques : « Trekking, voyage à vélo entre parcs nationaux et plantations de thé, développement d’un programme moto en Royal Enfield. Il y a aussi d’autres thématiques sur l’artisanat ou la cuisine locale: on consomme beaucoup de bœuf, de porc, de canard en Assam et au Nagaland, du chien, du singe, des vers… Bref, c’est une cuisine différente du reste de l’Inde. Mais on ne force pas les gens à tout goûter. »

Des programmes que l’éco-entrepreneur compte bien développer tout en proposant en parallèle des voyages sur-mesure. « On a une clientèle qui a déjà voyagé plusieurs fois en Inde, au Rajasthan, au Kerala… et qui veut voir autre chose. Nous prônons le Slow Travel en favorisant les rencontres avec les habitants des pays visités. Nous privilégions les voyages qui permettent de prendre le temps d’échanger, d’écouter et de découvrir les habitants, de contempler un lieu, de découvrir un endroit insolite, de s’en imprégner, de laisser la place à l’imprévu. »

 

Devenir éco-entrepreneur en Inde, est-ce facile ?

 

Pour Laurige, entreprendre n’a jamais posé de souci. Mais le serial entrepreneur a quelques atouts dans sa manche.

Avoir les bons partenaires…

Et pour cela, rien ne vaut un bon réseau : « Au bout de 5 ans chez Shanti Travel, je savais comment fonctionnait l’Inde. En trois mois, j’ai créé ma boîte. Je connaissais de longue date celui qui est devenu mon partenaire au Ladakh. C’était facile. »

… et une bonne répartition des rôles

Et c’est la même chose pour chaque projet : les partenaires de l’éco-entrepreneur « sont d’abord des relations amicales avant de devenir professionnelles ». Non seulement la confiance règne entre les partenaires, mais les rôles se répartissent aisément. Pour les croisières, « je m’occupe du marketing et des ventes. La logistique et les croisières sont assurées par mon partenaire. » De même, dès les premiers voyages organisés par Eastern Routes, Laurige et son partenaire se sont révélés complémentaires : « Je connais bien la clientèle, et lui à une bonne connaissance des lieux ainsi qu’un bon réseau sur place, dans les transports et les hôtels ». Entre les deux associés, la communication passe très bien.

 

Savoir bien s’entourer

« J’ai eu la chance d’avoir un excellent comptable, qui m’a expliqué comment faire pour payer mes taxes en tant qu’étranger entrepreneur en Inde » sans être pris à la gorge. Un problème que n’a plus Laurige aujourd’hui. Marié à une Indienne, il est soumis au régime indien.

Sans oublier les « anciens », d’autres entrepreneurs qui sont passés par là et peuvent maintenant conseiller les jeunes qui se lancent. « Alex et Jérémy, à Shanti Travel ont été mes mentors, pendant 5 ans. Alex Lieury, le fondateur du groupe Amarya, aussi. Car monter un camp au Ladakh, c’était un rêve, mais était-ce possible ? J’ai mis toutes mes économies dans ce camp et j’ai reçu un peu d’aide de mes parents. Je n’ai eu aucun prêt bancaire. Si je me plantais, je me retrouvais à la rue. »

Aujourd’hui, l’éco-entrepreneur est heureux : « J’ai pris goût à l’entrepreneuriat, à créer des projets écologiques et responsables. J’ai un partenaire au Ladakh, un en Uttar Pradesh et un en Assam. »

Mais il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Pour les 3-4 ans à venir, je reste en Inde pour développer ces activités et qui sait, peut-être monter d’autres projets en Orissa ou dans le Gujarat, des endroits encore peu connus. »

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(1 commentaire)

  1. Bravo Laurige Camille et les autres…
    Bonne réussite, bonne continuation
    des gros bisous du nord sous des ptes gouttes de pluies… et douce température
    J’espère vivement pouvoir un jour profiter de tous cela :-)))

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