De l’ outsourcing au food truck, portrait de pluri-entrepreneurs

De l’outsourcing au food truck, en passant par le roadtrip, Nicolas et Johanne ressemblent de plus en plus aux entrepreneurs indiens touche-à-tout qui se lancent dans des domaines divers et variés. Leur point fort : être à deux pour entreprendre.

 

Tout commence en Inde

Du classique échange universitaire…

Road trip, expatriation, entrepreneuriat, toutes les grandes décisions de Johanne et Nicolas ont l’Inde pour toile de fond.

Partis un semestre à Bombay dans le cadre d’un échange universitaire, la rencontre avec le pays a été, de l’aveu de Nicolas, un choc. « Les premiers jours, on était complètement paumés. On a apprécié ce sentiment de dépaysement permanent. Ça nous a donné le goût du voyage.» Ils en profitent pour voyager dans toute l’Inde. « C’est facile, pas cher, on a l’impression qu’on peut tout faire. Ça nous a changé. » Mais pas question de s’installer là-bas. « Au niveau boulot, ça paraissait compliqué » reconnaît Nicolas.

Retour en France et débuts sur le marché du travail, dans la communication pour Nicolas, dans la finance pour Johanne. Mais l’Inde a révélé chez eux leur goût du voyage avec des rencontres de routards, plus ou moins atypiques, qui se déplaçaient en 4L, en moto, ou même en stop. « Ça a changé notre regard sur le voyage. On s’est dit que c’était possible de le faire. »

 

Au road trip au bout du monde

Johanne et Nicolas entrepreneurs baroudeurs

Johanne et Nicolas entrepreneurs baroudeurs

Au bout de 2 ans et demi, ils finissent par céder à l’appel de l’ailleurs et organisent un road trip à moto. Cette fois-ci, destination l’Australie ! « L’Inde ne nous paraissait plus si loin, mais c’était tout de même une étape. On y a passé un mois pendant ce voyage ». Toutes leurs aventures ont été relatées dans leur blog aussi riche que fascinant.

Retour en France et retour au boulot, mais quelque chose a changé. « Pendant ce voyage on a rencontré beaucoup d’expatriés, ce qui nous a permis de nous projeter sur le quotidien des Français qui vivaient en Inde. On s’est dit que vivre là-bas, dans ces conditions, c’est chouette et surtout c’est possible. » Au bout d’un an et demi, ils repartent.

 

Titri : l’outsourcing comme première entreprise

Un contrat et un projet… pas bien défini

Pas de road trip cette fois-ci, mais un contrat de travail qui attend Nicolas à Bangalore. Et Johanne le suit, pour monter une entreprise là-bas. L’idée est qu’une fois l’entreprise sur les rails, Nicolas rejoigne Johanne dans l’aventure.

 

L’outsourcing par hasard

C’est pour répondre à la demande d’un premier client potentiel, que Johanne s’est lancée dans l’outsourcing avec une première entreprise, Titri.

« On voulait faire quelque chose qui nous fasse sortir du bureau, mais on n’avait pas d’idée précise. Avec l’outsourcing, on savait qu’on se plantait un peu mais c’était plus facile pour commencer» reconnaît Nicolas.

 

Une offre en pleine évolution

un outsourcing transparentSpécialisée, au départ, dans la saisie de données, l’offre s’est enrichie dans le digital lorsque Nicolas a rejoint l’entreprise : création d’appli mobiles, de sites internet et maintenant, retouche de photos pour les sites e-commerce et les photographes indépendants.

Aujourd’hui, le chiffre d’affaire se répartit à 50% sur la saisie, 35% sur la retouche photo et environ 15-20% sur les sites web.

 

Et un positionnement spécifique

En dépit de la concurrence avec des acteurs très bien installés, Titiri a “ciblé les PME françaises. Très peu externalisent à cause de leur relative maitrise de l’anglais  et de leur peur des différences culturelles. Nous faisons l’interface. Ça les rassure qu’on soit français. Et pour nous, c’est ce qu’il y a de mieux. On n’est pas énorme, on ne pourrait pas faire face aux demandes des grosses boites. Les PME françaises, c’était le positionnement naturel pour nous. La saisie, la gestion de back office, bref l’outsourcing, cela concerne potentiellement tout le monde.»

 

Un outsourcing humain

Titri met un point d’honneur à travailler en toute transparence et à promouvoir un outsourcing positif. A travers leur site et les réseaux sociaux, Nicolas et Johanne mettent avant leur équipe et leurs employés, donnant à l’outsourcing un visage humain, à l’opposé des habitudes du secteurs qui ne met en avant que l’attractivité des coûts.

 

Les galères de l’entrepreneur en Inde

Les affaires marchent aujourd’hui, mais Johanne et Nicolas ont eux aussi connu toutes les galères des entrepreneurs, dont ils tirent une certaine philosophie : « il faut aimer le pays pour entreprendre. Car c’est long et compliqué. Il y a des opportunités, cela peut être un eldorado, mais il faut savoir être patient».

 

L’administration

C’était relativement light. Pour la création de Titri, Johanne a fait appel à un comptable. Mais le processus a pris du temps, plus de 6 mois : « même le comptable a galéré. Il a fallu rentrer faire des papiers en France aussi » se rappellent-ils tous les deux.

 

Le visa

Nicolas, grâce à son travail, a obtenu sans problème un visa de travail, mais il n’en a pas été de même pour Johanne. Arrivée avec un visa de touriste, elle est ensuite passée au visa business. «C’était contraignant car je devais sortir du territoire une fois par mois». Maintenant tous deux sont employés par Titri et ont obtenu un visa de travail qui leur convient bien mieux.

 

Employer des étrangers

Là encore, nouvel obstacle : employer des étrangers en Inde coute très cher. Le salaire minimum équivaut à 2000 euros en France, un salaire que peu d’entreprises en démarrage peuvent se permettre de payer. Mais, rappelle Nicolas, « l’important, c’est de payer les taxes sur ce salaire, c’est ce à quoi l’administration est la plus attentive. »

 

Et ses avantages

Des embauches rapides

Titri outsourcing à visage humain

Titri, l’outsourcing à visage humain

Dès le premier contrat signé, Johanne a pu commencer très vite. Il a suffit d’investir dans 4 ordinateurs portables, d’embaucher 4 personnes et Titri a démarré. Ceci dit, c’est l’Inde, et surtout Bangalore. Les embauches n’ont pas été de tout repos. «  On a organisé une première session de recrutement, raconte Johanne avec 6 ou 7 candidats et personne n’est venu. La 2ème fois, sur les entretiens prévus, seulement 5 personnes sont venues. 4 ont été embauchés. C’était il y a 3 ans et ils sont toujours là. »

Car le marché du travail, en Inde et surtout à Bangalore, Silicon Valley du pays est inversée : « ce sont les employeurs qui courent après les employés et pas l’inverse. Rien que pour les entretiens, il fallait rappeler les candidats, leur envoyer un sms pour confirmer. Les emails ne suffisent pas. D’autant plus qu’il s’agissait d’une nouvelle société, montée par des Français.”

L’entreprise joue, en effet, un rôle dans le statut personnel en Inde. Travailler dans une grande boite est recherché. Cela favorise un bon mariage, le respect de la famille, conditionne le futur mariage…

 

Peu de turn over

Mais Titri a d’autres arguments : « On paye un peu plus que la normale, explique Johanne. C’est obligé pour une petite structure. Et on propose des conditions assez cool : 5 jours de travail par semaine (alors que beaucoup d’entreprises à Bangalore imposent 6 jours par semaine), des horaires normaux, bref des conditions à l’européenne en Inde. Être français aussi attire, car c’est différent. Les gens se disent qu’on va leur apprendre plus ».

Aujourd’hui, Titri regroupe une vingtaine d’employés, tous recrutés plus ou moins par bouche à oreille et cooptation et raconte son quotidien dans un blog dédié.

 

Le Casse-Croûte, un nouveau concept de food truck

Une idée lancée grâce à un stagiaire

casse-croute logoAvec le Casse-Croûte, lancé en septembre 2015, Johanne et Nico se sont finalement rapprochés de leurs premières envies : « Ça faisait longtemps qu’on voulait monter un business lié à la restauration, mais c’était toujours un peu bancal. Avec Titri, on n’avait pas le temps de se lancer. »

L’occasion se présente sous la forme d’un stagiaire de l’entreprise. Il y a toujours 2 stagiaires français qui tournent tous les 6 mois à Titri. « Il y a deux ans, on a senti que l’un d’entre eux, Nicolas, voulait rester et entreprendre quelque chose. En plus, il avait une expérience dans la restauration, explique Nicolas. On a discuté avec lui et il était hyper intéressé. Il travaille dessus à 100%. Sans lui, on en serait encore à discuter de ce qu’on veut faire. Mais comme il est resté pour ça, on n’avait plus le choix. Il fallait se lancer. »

 

Pourquoi un food truck ? Pourquoi les croque monsieur ?

Au départ, « on pensait ouvrir un café à la française. Mais c’est une galère pour trouver des locaux, l’investissement est important. Et le concept des food truck, on trouvait ça génial. Et au niveau investissement et emplacement, c’était bien plus simple. Donc on a choisi ça ».

Pour les croque-monsieur, l’idée est venue progressivement « On avait pensé aux crêpes mais le concept existait déjà ; aux quiches, mais cela n’a pas de sens si on veut finaliser le produit devant les clients. Comme on avait déjà en tête de faire des croque monsieur dans notre potentiel café, on s’est dit que ce serait simple, personnalisable et qu’on peut finir de préparer le produit dans le camion devant les gens ».

 

Locavore et produits maisons

casse croute des produits maison

Casse-croute des produits maison

N’ayant ni l’envie, ni les moyens d’importer des produits, les deux Nicolas et Johanne se sont mis en cuisine, avec les produits locaux : « On a fait des essais, progressivement, on a appris à faire du pain, de la moutarde. Au début, notre pain de mie n’était pas terrible. Mais on a finit par faire un détournement. On fait des petits pains entre la pita et la baguette. Il ne faut pas que ce soit trop dur car les Indiens n’ont pas l’habitude du pain, ni des aliments trop difficiles à mâcher.

Même chose pour la moutarde : « En Inde, n’est vendue que de la moutarde à l’anglaise. Comme on trouve des graines de moutarde facilement, on a cherché des recettes et maintenant, on fait notre propre moutarde. » Et il en va de même pour toutes les recettes du Casse-Croûte qui portent fièrement l’étiquette de locavore.

 

Un concept pas tellement en vogue

Ce concept de locavore déconcerte un peu les Indiens à vrai dire : à quoi cela sert-il de cuisiner français avec des produits locaux ? Et comment faire des produits français adapté au palais indiens adeptes d’épices et de saveurs fortes ? « On ajoute pour chaque sandwich une sauce assez forte, pour donner du goût : aïoli, pesto, moutarde…».

Et cela marche finalement, la clientèle vient de tous les horizons  selon les emplacements où le camion s’arrête. « Certains, étonnés, veulent juste goûter les frites ou un jus. Tous parlent anglais, et la plupart des clients sont sensibles à des cuisines différentes»

Et curieux face au camion du Casse-Croûte, un vieux modèle complètement rénové et customisé qu’on ne voit plus dans les rues de l’ambitieuse Bangalore, et qui, en plus, permet de voir des Français derrière les fourneaux. A tel point qu’on n’hésite pas à faire appel à eux pour des évènements privés, fêtes ou anniversaires.

 

Et après ?

Qu’il s’agisse de Titri ou du Casse-Croûte, les associés réfléchissent à leur développement.

Bangalore est une ville énorme, le camion a du succès, pourquoi ne pas lancer un deuxième camion? Et pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses, les associés songent maintenant à vendre les produits comme la moutarde qui connaissent un certain succès.

Pour Titri et l’outsourcing, il s’agit maintenant de stabiliser et développer l’activité et surtout parvenir à mettre en place un middle management qui puisse prendre le relais sur l’activité outsourcing actuelle afin de développer l’offre. « On est en concurrence avec des pays moins chers comme Madagascar ou les Philippines. Or l’intérêt de l’outsourcing, c’est d’avoir des prix bas. Même si on a d’autres services et un bon relationnel, ça ne suffit pas toujours ».

Les opportunités sont là cependant, Nicolas et Johanne en sont convaincus. Et eux mêmes ont des atouts de taille : le sens de l’adaptation, vital pour percer en Inde et le fait d’être à deux, sur la même longueur d’ondes. « ça aide vraiment. Quand l’un des deux a une baisse de moral, l’autre est là pour le remonter. C’est important d’être à deux. Seul, on peut rapidement se sentir perdu ».

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