Hôtels, luxe, et écologie par Dimitri Klein

Fondateur et directeur de Dune Eco Group, une chaîne de boutique hôtels écologiques de luxe et socialement responsables, Dimitri Klein revient sur son expérience d’entrepreneur en Inde.

 

De la pub à l’Inde…

Évoluant hors des sentiers battus, Dimitri Klein est un entrepreneur à succès. Sans bac, peu inspiré par les carrières traditionnelles, il lance à 17 ans son propre journal. Dès l’année suivante, il est fonde avec des associés une agence de communication  spécialisée dans les produits culturels, FKGB. L’agence devient rapidement leader de son secteur. À 30 ans, Dimitri veut découvrir d’autres horizons, et il revend sa société à Omnicom (TBWA). Avec sa femme, il entreprend alors un tour du monde.

« C’est l’Inde qui nous a choisis plus qu’on ne l’a choisie », explique Dimitri. Non seulement c’est pour le couple un énorme choc culturel – tous deux se rendent compte qu’ils vont devoir tout réapprendre dans ce pays si différent –, mais c’est aussi là que s’annonce le premier enfant, alors qu’Émilie peinait à être enceinte. Le couple décide de rester et s’installe pendant quelques années à Auroville.

 

Dimitri Klein, fondateur de Dune Eco Group

Dimitri Klein, fondateur de Dune Eco Group

L’aventure du Dune Eco Hotel

Bien que fasciné par l’hôtellerie, « une sorte de bulle dans la société », Dimitri y arrive cependant un peu par hasard. L’occasion se présente sous les traits d’un important industriel du sud de l’Inde, propriétaire d’une marque de cuirs très populaire, Hidesign. Celui-ci possédait à Pondichéry une maison  qui menaçait de tomber en ruine. « Je lui ai proposé de la rénover et d’en faire un hôtel. Il était d’accord, à condition que ce soit moi qui m’en occupe. » C’est le point de départ de l’aventure de Dune Eco.

D’autres hôtels suivent, tous conçus dans le respect de l’environnement et des populations. Ils ont pour particularité de mettre en valeur l’environnement et la culture locale.

Au Dune Eco Village and Spa, à Pondichéry, l’influence française bien présente dans cet ancien comptoir est mise à l’honneur. Proche d’Auroville, les activités sont centrées autour du bien-être, avec un spa, du yoga, de la méditation… tout ce qui peut favoriser un retour sur soi-même.

Le Tanjore Hi, au Tamil Nadu, une maison coloniale des années 1920, est situé près de deux des quatre monuments indiens classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Là, c’est l’histoire du Tamil Nadu et de la spiritualité qui imprègnent la décoration et l’ambiance de l’hôtel.

À Cochin, au Kerala, la route des épices est mise en valeur dans le Spice Fort Hotel, tandis qu’à Elephant Valley (Tamil Nadu), c’est à la découverte de l’agriculture locale et durable, de la vie des populations et de la nature des montagnes que les clients sont conviés. L’accent est mis sur la biodiversité, fondamentale dans l’équilibre de cette région. Enfin, le Turtle Eco Beach situé sur une plage méridionale du Sri Lanka, est une véritable village, qui réduit son empreinte carbone au strict minimum et s’appuie sur les ressources locales avec des draps de lin, des savons produits de façon traditionnelle par les villages environnants, un éclairage exclusivement LED et une piscine au sel chloré.

Les populations locales sont toujours impliquées dans les projets de Dimitri. Au sein du Dune Eco Village, qui, au départ, était une résidence d’artistes, une école (rattachée à l’ONG « Enfants du monde ») créée au lendemain du tsunami de 2004 forme les jeunes qui le souhaitent aux métiers de la mode, au yoga et à l’Ayurveda.

 

Une redécouverte de la culture indienne

Tous ses hôtels sont soit le fruit de la rénovation d’un patrimoine ancien, soit des bâtiments nouveaux dont les éléments sont issus de traditions et de matériaux indiens. Des éléments de décorations venus de palais en ruine sont récupérés dans certains d’entre eux. Une découverte, voire une redécouverte des cultures indiennes à laquelle Dimitri invite ses clients.

 

Se lancer, mais comment ?

Pour Dimitri, investir en Inde est très facile depuis la libéralisation de l’économie lancée par Manmohan Singh dans les années 1980. Certains secteurs, comme l’hôtellerie, sont ouverts à des investissements étrangers à 100 %.

L’association avec un partenaire indien est importante pour commencer, ne serait-ce que pour entrer dans le tissu local et comprendre comment les choses fonctionnent dans ce pays. « Mon association avec Hidesign m’a donné accès plus facilement au mode de travail des Indiens et m’a permis de comprendre comment interagir avec les gens ».

Puis est venu un partenariat qui a fonctionné grâce à une confiance réciproque et une vision commune du business avec Sunil Varghese. Ainsi qu’une répartition claire des tâches permettant d’exploiter les points forts de chacun : Dimitri s’est concentré sur le développement de Dune Eco Group, tandis que son associé se consacrait au management opérationnel. Un modus laborandi qui, s’il demandait et autorisait des ajustements permanents, lui a apporté un soutien immédiat.

Autre problème auquel sont confrontés tous les entrepreneurs : comprendre comment se mettre en conformité avec la loi. L’Inde change très vite, les informations sont parfois difficiles à trouver et l’administration peu lisible : il est indispensable de se mettre à jour constamment pour régulariser sa situation.

Dans chacun de ses hôtels, Dimitri a besoin de 35 licences différentes pour fonctionner renouvelables chaque année. Une personne de son équipe s’en occupe à plein temps. Mais, ajoute-t-il, les choses sont en train de se simplifier.

Selon lui, il faut encourager les gens à venir et à travailler pour entreprendre dans ce pays, qui peut procurer un sentiment de liberté : « On a l’impression que l’on peut tout faire, que tout est possible. Pour ceux qui en ont l’énergie, la liberté de penser et de créer est là, alors qu’elle s’éteint dans nos pays occidentaux ».

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La Fabrique Films, au cœur de Bollywood

Le cinéma indien a depuis longtemps franchi les frontières du pays : mode de Bollywood, diaspora indienne, engouement pour des acteurs comme Shahrukh Khan, dont la renommée dans le monde ferait pâlir d’envie les stars de Hollywood, pudeur qui permet de franchir sans problème la censure de nombreux pays…. Les chiffres donnent le tournis : 4 milliards d’entrées par an , 1200 films produits entre Bollywood, Kollywood (Chennaï) ou Mollywood (Meerut au nord)…

 

Avec 95 % du marché dévolu aux films indiens, notamment hindi. il reste peu de place pour le cinéma français et européen, en concurrence avec les grosses productions américaines et asiatiques. Cela n’empêche pas cependant la Fabrique Films de travailler à promouvoir depuis 2 ans, le cinéma français en Inde.

 

Derrière la Fabrique Films

Déborah Benattar, qui a passé 3 ans au consulat de France à Bombay, comme attachée audiovisuel, Clea une journaliste franco-indienne qui vit à Paris, et Javed, le co-directeur indien, Ensemble, ils vendent en Inde les droits de films français et, de plus en plus fréquemment, assurent la production exécutive (recherche, logistique, tournage, casting…) de tournages étrangers (documentaires, reportages, cinéma) dans toute l’Inde. Récemment, l’équipe a ainsi travaillé sur un documentaire consacré à un vent du nord de l’Inde, ou à des épisodes de reality-show destinés une chaine d’Arabie saoudite, ou au casting d’un film de Jacques Audiard…

 

Déborah Benattar

Déborah Benattar

Une industrie du cinéma qui se professionnalise

Au consulat, ma mission était de donner plus de visibilité aux films français. C’est quasi impossible dans le contexte indien. Pourtant, avec 1 200 films par an, dont 500 à 600 à Bollywood, les producteurs commencent à être à court d’idées et d’histoires. Il y a maintenant une demande pour des histoires ou des scripts étrangers. Et l’industrie se professionnalise : il y a quelques années, certains producteurs ne se gênaient pas pour copier illégalement les films étrangers qui leur avaient plu. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui et les producteurs achètent les droits de remake en bonne et due forme.

 

Des films français bien cotés

Les films français sont bien cotés en Inde, notamment parce qu’ils sont davantage présents dans les festivals. Certains sont même diffusés sur les rares chaînes indiennes qui passent des films étrangers.

Les producteurs indiens voyagent aussi plus. Ils sont davantage présents à Cannes et dans les festivals internationaux depuis quelques années. Il est arrivé que des producteurs m’appellent en disant : « J’ai vu ce film dans l’avion, peux-tu me trouver les droits ? » Des producteurs français me demandent également de représenter leurs films auprès des Indiens. Ce qui peut aboutir à un nouveau projet…

 

Cela marche aussi dans l’autre sens : depuis 3 ou 4 ans, de plus en plus de films indiens sortent en France. Ça a commencé par des films très commerciaux pour la communauté tamoule, importante en région parisienne, pour aller vers des films plus indépendants. Aujourd’hui, des films comme The Lunch Box peuvent faire 400 000 entrées en France. C’est énorme. Du coup, l’Inde intéresse aussi les distributeurs français. Et les spectateurs peuvent se rendre compte que le cinéma indien est hyper intéressant et très diversifié.

 

Un secteur dynamique

Ce n’est pas difficile de travailler dans l’audiovisuel en Inde. L’industrie du cinéma est très vivante, il y a beaucoup de projets et d’opportunités.

La plus grande difficulté, c’est de s’adapter à la manière de travailler ici : la logistique est plus compliquée, les délais sont plus longs. Une équipe de 100 personnes en Europe équivaut à une équipe de 170 personnes en Inde. Ce n’est pas une question de compétences, juste la manière de travailler qui est différente. C’est ce que j’explique à mes clients qui viennent tourner ici. Par exemple, en France, vous avez besoin de talkies-walkies ou d’une caméra : vous les louez, allez les chercher, les utilisez puis les rendez au loueur. En Inde, on est obligé d’avoir quelqu’un qui les accompagne. Il n’y a pas de dépôt de garantie, pas d’assurances mais un assistant qui vient avec le matériel.

C’est aussi pour cela que les productions françaises font appel à nous pour assurer la production exécutive sur place. Nous parlons la même langue qu’eux, mais connaissons la manière de travailler ici. Nous savons trouver des solutions êtres réactifs. Nous leur évitons de gérer des situations auxquelles ils ne sont pas préparés.

Ainsi, certains métiers sont gérés par des syndicats, ou unions, qui établissent les règles. Si on a besoin d’armes sur un tournage, l’armurier accompagne les armes et son salaire est établi en fonction d’une grille établie par l’union des armuriers. Et dans cette grille, il y a un tarif pour les films indiens… et un autre pour les films étrangers.

 

Ici, c’est capital, avant de se lancer de comprendre comment les choses fonctionnent, de travailler avec les professionnels locaux. Il y a beaucoup de monde et c’est difficile de trouver les bonnes personnes. Mais au final, il y a des gens extrêmement compétents, intéressants. Dans mon domaine, il y a des techniciens incroyables ici. Il faut prendre le temps de se créer un réseau et de travailler main dans la main avec les personnes compétentes ici.

 

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Agathe Lazaro et La Maison Rose

En Inde depuis 20 ans, Agathe Lazaro a ouvert La Maison Rose, une boutique concept qui met à l’honneur le mariage entre l’artisanat indien et la créativité européenne.

 Agathe lazaro

Agathe Lazaro, entrepreneuse en Inde… à 23 ans

Depuis toujours, ma mère est dans la décoration. J’ai grandi dans les brocantes de L’Isle-sur-la-Sorgue, en Provence, et j’ai appris à sélectionner les objets. En 1982, le peintre Pierre Lesieur a convaincu mes parents de faire un voyage en Inde, le premier d’une longue série. En 1988, ils nous ont emmenées, mes trois sœurs et moi, découvrir le pays. J’avais alors 18 ans.

 

De mon côté, j’ai suivi des études dans une école de commerce orientée à l’époque vers les pays émergents d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Mais je n’en avais pas pour autant fini avec l’Inde. Mes parents avaient acheté, à Madras, un conteneur de meubles en teck. Ça a été mon projet de fin d’études : monter une boîte pour vendre ces meubles. J’ai donc commencé sillonner les routes du sud de la France en camion, avec mon chargement que je vendais au fur et à mesure.

 

C’était sympa, mais j’en ai rapidement eu assez d’être toujours en déficit à cause des taxes, des impôts. Un de mes clients, à Nice m’a demandé une vente directe. J’en ai profité pour m’installer en Inde… ou est-ce l’Inde qui s’était installée en moi ?

 

Je suis arrivée dans une Delhi, qui n’avait rien à voir avec la ville actuelle : il y avait des vaches partout, beaucoup moins de trafic, pas de station d’essence. Les premiers feux rouges apparaissaient et, pour expliquer aux gens qu’il fallait s’arrêter, on tendait des cordes d’un côté à l’autre de l’avenue.

 

À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de Françaises de 23 ans qui montaient une structure. Il n’y avait pas beaucoup de Français, en général, non plus. J’ai eu la chance de rencontrer et de travailler avec des personnalités exceptionnelles comme Rajeev Sethi, Francis Wacziarg, Catherine Lévy  et Irène Silvagni.

 

Je me suis rendue dans toutes les foires d’artisanat, pour trouver les artisans dont le travail me plairait et qui auraient l’envie et le culot de se lancer avec moi. J’ai commencé avec le mobilier, puis est venue la décoration et les vêtements.

 

dans la Maison Rose, mobilier et design

dans la Maison Rose, mobilier et design

Aujourd’hui, j’ai quitté Delhi et je suis installée à Pondichéry, où j’ai lancé La Maison Rose un concept store, où l’on trouve aussi bien du mobilier chiné dans toute l’Inde, que mes propres productions en design et en décoration.

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Je serai incapable de travailler en France

Il existe ici une espèce de système D qui permet de résoudre la plupart des problèmes. Le cadre du travail est très paternaliste : je suis là pour mes employés, ils sont là pour moi en cas de besoin. S’est créée une interdépendance. Bien sûr, je suis toujours une étrangère, mais lorsque j’ai une inondation, je sais que je peux les appeler au milieu de la nuit. Ils ont vu 15 ans de ma vie. Ils m’ont vue célibataire, mariée, trois fois enceinte. Ce genre de relations est impossible en Occident, et je ne suis pas sûre que je pourrais m’en passer.

 

On marche à l’affectif plus qu’à la réussite professionnelle. Paradoxalement, ce n’est pas facile de fidéliser les employés. Les départs sans explications du jour au lendemain sont courants. En 20 ans, je ne sais toujours pas pourquoi certains sont restés et d’autres sont partis. L’émotion et l’humour, c’est ce qui marche le mieux ici, notamment pour résoudre les situations conflictuelles.

 

Toujours un événement exceptionnel en cours

Travailler en Inde, c’est crevant, il y a quotidiennement des situations exceptionnelles auxquelles il faut faire face.

 

Une fois, j’ai cumulé les problèmes avec mes producteurs. L’un s’est fait voler une grosse partie de son capital. Le père d’un autre est décédé et la production a été totalement arrêtée. J’ai dû changer de fournisseurs, mais dans ce cas, il faut bien compter 4 ans pour établir des relations de confiance. C’est comme ça que 80 % de mon catalogue pour l’exportation a été gelée.

 

Cet été, j’ai passé six semaines en Thaïlande. Ça a été très efficace, mais dans ce pays, je n’y ressens pas autant d’émotions, contrairement à l’Inde.

 

dans la Maison Rose, Pondichéry

dans la Maison Rose, Pondichéry

On reste des étrangers, on ne sera jamais pareil

Depuis la crise, beaucoup de Français sont venus pour changer de vie, monter une entreprise. Certes, en tant qu’étranger, on inspire confiance, surtout comme clients, mais c’est surtout une aventure laborieuse, jalonnée d’apprentissages. Combien de fois, dans les services d’immigration, ai-je entendu que j’étais étrangère ou que je prenais le boulot des Indiens ?

 

Les Français en Inde doivent s’adapter, lâcher prise et ne pas chercher à tout changer. Si on commence à se bloquer sur des principes, on n’arrivera à rien. Finalement, c’est comme la circulation : si on suit les règles de sécurité, c’est foutu, il faut toujours suivre le mouvement…

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