Narendra Modi : vraies réformes ou simples promesses ?

On a beaucoup parlé de Narendra Modi, le nouveau Premier ministre indien, de ses succès au Gujarat, de ses zones d’ombres.

Au pouvoir depuis le printemps 2014, cet homme mystérieux et solitaire a été élu sur la promesse de réconcilier l’Inde avec une croissance forte. Pourtant, les réformes promises, que le monde des affaires attend avec impatience, tardent à arriver.

Peut-être le 28 février ? Ce jour-là, le gouvernement de Narendra Modi présentera, pour la première fois, un budget sur une année complète. C’est, traditionnellement, le moment choisi par les gouvernements pour annoncer les grandes réformes. Le Premier ministre saura-t-il convaincre les entrepreneurs indiens… et les autres, parmi lesquels les Français ?

Un Premier ministre élu dans l’enthousiasme

L’élection de Narendra Modi doit, certes, beaucoup à une réaction de rejet massive du parti du Congrès, gangrené par les scandales de corruption. Mais le Premier ministre est également parvenu à susciter l’enthousiasme. « Il y a eu une prise de conscience politique de la part d’électeurs qui ne votaient plus depuis 15 ans », explique Florence Germain, à la tête, avec son mari Denis, de Birdy Exports, à Bangalore. « Les Indiens sont fins connaisseurs en politique : ils n’ont pas voté pour Modi ou son parti, mais pour un homme qui a eu du succès dans son État », estime Richard Holkar, propriétaire de la guesthouse de luxe Ahilya Fort.

Ceci dit, la majorité de Modi reste relative : « In fine, explique Denis Germain, les suffrages en sa faveur ne représentent que 33 % des voix. » N’empêche, ce résultat lui a assuré la majorité à la Chambre basse (Lokh Sabah).

Narendra Modi a réussi à accrocher les Indiens : « J’ai lu son livre, je crois en lui à 100 % et rien ne pourra me faire changer d’avis », affirme Vivek Sagar, un entrepreneur de Delhi. C’est un excellent communiquant qui a su convaincre les Indiens qu’il allait appliquer à toute l’Inde les recettes qui ont réussi au Gujarat. « Depuis son accession au pouvoir, remarque Patrick de Jacquelot, correspondant des Échos dans la capitale fédérale, il a bénéficié de plusieurs éléments très positifs : baisse de l’inflation, alors que la hausse de l’inflation avait signé l’échec du gouvernement précédent, baisse des prix du pétrole, ce qui compte lorsqu’on sait que l’Inde est un gros importateur. »

Un gros point d’interrogation

Un contexte favorable est pourtant loin d’être suffisant. « Six mois après son accession, les milieux d’affaires sont dans l’expectative : ils attendent les réformes promises. Tout le monde croyait qu’il allait lancer des réformes de fond dès les 2 premiers mois et rien n’est venu », rappelle Patrick de Jacquelot. Un premier revers électoral du BJP, le parti du Premier ministre à Delhi pourrait sonner l’alarme.

« Modi, résume Baptiste Frérot, entrepreneur basé à Delhi, c’est encore un gros point d’interrogation pour les entrepreneurs. Tous les Indiens sont fans, mais pour le moment, il n’y a rien de concret. »

« Il a des idées, tempère Denis Germain, il a vu beaucoup de monde, il communique beaucoup. Mais il est très centralisateur et, paradoxalement, a un cabinet encore très restreint. Et il n’a pas ou peu de relais dans les États auprès des politiciens locaux. »

Sans oublier qu’en Inde, la moindre décision prend du temps avant de se concrétiser rappelle Harsh Shodan, à la tête de The Gourmet and Kitchen Studio : « Le gouvernement Modi a promis de réduire et de simplifier les normes, les licences, à l’échelle du pays entier. Cependant, ces réformes ne sont pas encore appliquées à l’échelle des petites entreprises, car le gouvernement central et les gouvernements locaux ont des lois (et des objectifs) différents. Les États veulent aller dans le détail des pratiques, alors que le gouvernement fédéral veut, au contraire, simplifier la législation. »

Lancement de la campagne Make in India

Lancement de la campagne Make in India

Réussira-t-il à convaincre les entreprises étrangères de (re)venir en Inde ?

Lancée en grande pompe en septembre, la campagne « Make in India » a pour objectif de convaincre entreprises et industries du monde entier d’investir et de produire en Inde, c’est-à-dire dans un pays qui, encore aujourd’hui, importe une grande partie de ses biens de consommation. « Le graphisme est ultra léché, le lancement s’est fait en fanfare, mais pour le moment, c’est de la publicité pure qui manque de contenu », estime Patrick de Jacquelot.

Il faut bien commencer quelque part. « “Make in India”, c’est une campagne crédible, mais il faut être patient, considère Alexandre Ramat, qui dirige une usine d’équipements de réseaux électriques à Pune, attendre que les projets d’infrastructures redémarrent. C’est une période un peu difficile à traverser, nécessaire pour sortir de ce cercle vicieux : sans infrastructures adéquates, on ne fait rien. Ou alors, on fait en sorte que les choses démarrent et c’est ce qui est en train de se produire. »

Les prévisions sont d’ailleurs au beau fixe. Selon la Banque mondiale, l’Inde dépasserait la Chine dès 2017. Pour PriceWaterhouse Cooper, le pays serait en 2e position en termes de pouvoir d’achat en 2050.

C’est également l’avis d’Alexandre Ramat : « D’ici une dizaine d’années, l’Inde pourra faire partie des pays les plus importants, être membre du G20. Mais pour cela, elle doit améliorer les infrastructures, résoudre la question énergétique et investir dans le traitement de l’eau, des chantiers majeurs et nécessaires pour le pays. Il faut créer une prise de conscience. Or les Indiens sont très intelligents, il suffit de voir le nombre impressionnant de chefs d’entreprises pour en être convaincu. Cela prendra du temps, mais à partir de là, le pays connaîtra une croissance incroyable. »

En fin de compte, selon Laura Prasad, directrice de l’IFCCI, tout reste à venir : « On attend de voir comment cela se concrétise. Après “Make in India”, Narendra Modi parle de “Digital India”, de e-gouvernance pour faciliter les transactions administratives en ligne, améliorer la transparence. Si cela aboutit, ce sera extrêmement positif. »

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