Corruption : la face peu reluisante de l’Inde

Les scandales liés à la corruption se suivent et ne se ressemblent que par leur ampleur. Des télécom aux examens universitaires, tous les domaines sont à risque. Des membres du gouvernement et autres personnalités sont régulièrement éclaboussés. La lutte contre la corruption est devenue un argument politique : c’était un thème majeur de la campagne de Narendra Modi. C’est le credo d’Arvind Kejriwal, chief minister de Delhi depuis le mois de février et de son parti Parti de l’homme ordinaire (Aam Aadmi Party ou AAP)

Quid du business ? Hé bien, il y a de quoi être préoccupé : 70% des sondés d’une étude de E&Y estiment que la corruption est largement répandue dans le business. Pour 72%, les dirigeants sont prêts à y recourir pour atteindre plus vite les objectifs.

Un sujet délicat

et millénaire

La corruption en Inde est un sujet qui ne passe pas de mode. Kautiliya, ministre du royaume de Chandragupta Maurya en parlait déjà dans l’Arthashastra, fameux traité de sciences politiques, économiques et de stratégie militaire qui date du… IVe siècle avant notre ère. Concrètement qu’est-ce que cela signifie ?

dont on parle peu

Difficile à savoir. Ni les Indiens et ni mêmes les étrangers vivant en Inde n’aiment en parler sauf entre amis : qui a dû donner un billet à l’employé du fournisseur d’électricité qui ne parvenait pas à brancher le compteur ; qui s’est fait arrêter en voiture par un policier, pour une infraction imaginaire et résout l’affaire en espèce sonnantes et trébuchantes. « Je crois que cela fonctionne surtout quand il n’y a pas de traces écrites », estime une jeune Française installée à Bombay depuis plusieurs années.

mais qui touche tout le monde

En termes de business, certains domaines sont plus sensibles que d’autres, relève l’étude d’E&Y : immobilier, énergie, matières premières ou encore défense et aérospatial sont particulièrement à risques. Mais d’autres facteurs entrent en ligne de compte : multiplication des interlocuteurs, nécessité d’obtenir des autorisations…

corruption en IndeLes petites entreprises ne sont pas épargnées. « Tant qu’on ne produit pas en Inde, on n’a pas de problèmes » estime un entrepreneur, qui reconnaît cependant y être parfois confronté de façon assez light, par exemple avec l’agent chargé du contrôle du matériel anti-incendie qui a tendance à s’installer, à prendre un thé, deux, trois… sans pour autant signer le papier de contrôle. Seul un billet le fait partir.

Pour les petits importateurs, le passage aux douanes est un moment difficile « J’attends une livraison. Et je sais déjà que la douane va essayer de la bloquer et me demander de payer » explique une chef d’entreprise.

La corruption n’est pas que le fait des fonctionnaires. Dans certains cas, il faut aussi compter avec la mafia locale. “Au Ladakh, il existe une mafia, qui a l’impression qu’on leur fait concurrence et qui  n’apprécie pas. Même si nous sommes 100 % en règle, ils utilisent les failles juridiques et leurs connections pour faire croire que nous voulons marcher sur leurs plates-bandes [même si ce n’est absolument pas le cas] et nous mettre en difficulté” raconte un entrepreneur spécialisé dans le tourisme.

De son côté, un industriel, un beau jour, a trouvé des hommes armés bloquant l’entrée de son usine et prétendant être les véritables locataires des lieux. La mafia locale avait loué les bureaux deux ans auparavant, et les avaient occupés pendant quatre jours, sans payer le moindre loyer. Voyant que l’usine marchait bien, elle est revenue. Résultat : des locaux bloqués pendant trois jours, avec la police qui refuse d’intervenir et l’avocat se déclare impuissant… Il a bien fallu payer. Et c’est le cœur du problème. Faut-il céder… ou pas ?

Payer ou ne pas payer ?

Pour faire simple, il y a ceux qui refusent absolument et ceux qui veulent se faciliter la vie… avec une frontière poreuse  entre les deux : qu’on soit une multinationale ou une PME, on ne va pas crier sur les toits qu’on a glissé un billet ou une valise pur débloquer une difficulté à un moment donné.

Ceux qui refusent

Ils existent. Une grosse PME française présente en Inde depuis quelques années refuse de traiter avec les municipalités à la réputation douteuse.

Un groupe textile mondial n’a pas hésité à renvoyer son excellent directeur chargé de toute l’Inde du Sud lorsqu’il a été soupçonné d’avoir recours à la corruption.

Mais beaucoup nient y être confrontés. Car, reconnaît un cadre français en Inde depuis plus de 10 ans, « c’est toujours délicat pour une entreprise d’avouer qu’elle s’y plie… La corruption existe à tous les niveaux. Et oui, on paie, on n’a pas le choix. Sans cela, rien n’avance. On est obligé d’y toucher, quoiqu’en disent les gens, sinon, il ne se passe rien. On n’aime pas trop le dire ou en parler. Mais à la fin, on adopte la vision indienne et on paye ».

Ceux qui payent

Tout dépend de la taille et le domaine d’activité de l’entreprise. Un petit entrepreneur, installé depuis quelques années, admet payer « quand cela ne dépasse pas l’équivalent du pourboire ».

« Il faut savoir donner au bon moment et à la bonne personne », reconnaît un autre. C’est parfois positif, estime un consultant sur place : « Il y a des boîtes qui font d’énormes chiffres d’affaires, car elles savent comment fonctionner avec des acheteurs indiens. » Pour cela, elles ont recours aux services d’agents, qui savent combien donner et à qui. « S’il faut arroser, mieux vaut que ce soit un Indien qui le fasse », admet un consultant. « Car si les autorités veulent faire un exemple, les étrangers seront davantage dans leur collimateur. »

Un risque accru aux élections

Mais cette attitude est parfois à leurs risques et périls. « Il ne faut pas s’imaginer que l’argent suffit pour réussir en Inde », met en garde un jeune entrepreneur du sud de l’Inde. « Il y a un moment où les bakchichs sont trop nombreux et on ne s’en sort plus. Un projet peut couler à cause de la corruption. » Et plus on devient important, plus on est susceptible de devenir une cible, surtout quand on est étranger. « À Chennai, certains entrepreneurs font profil bas : pas de show off ni dans leur mode de vie, ni dans les bâtiments de leurs entreprises, qui ne sont indiquées par aucune pancarte. Le truc, c’est de ne pas se faire remarquer, ni de la police (qui jouent un rôle de surveillance, voire de dépistage…), ni des politiques. »

Période sensible: l’approche des élections. Les partis politiques n’ont officiellement pas d’autres sources de revenus que ce que leur versent leurs adhérents. Un peu limite au vu des millions que coûtent les campagnes… La corruption est une source de revenus irremplaçables.

En 2013, peu avant les élections, un entrepreneur s’est rendu compte que le service des impôts augmentait drastiquement le prélèvement auquel il était soumis. Il a appris par la suite que celui-ci avait reçu pour instruction de lever plusieurs milliards de roupies en cash et de se débrouiller comme elle l’entendait pour atteindre ces objectifs.

Alors la corruption, fatalité en Inde ?

Le district collector

Pas si sûr. Conscients du problème, les autorités indiennes renforcent les lois anti-corruption. Au niveau local, il existe des recours, explique un Français installé au Tamil Nadu. Un réseau de district collectors est la tête de chaque district. Ce sont des gens très puissants mais assez accessibles. Dès qu’on est soumis à une pression, on peut faire appel à eux. « J’ai fait une demande de licence depuis 6 mois et n’ai toujours rien reçu. Le district collector m’a informé très sérieusement de l’avancée du dossier et les choses se sont subitement accélérées. Mais cela fonctionne à condition d’être honnête de son côté. Si on fait des embrouilles, là c’est autre chose. » explique un chef d’entreprise dans l’hôtellerie.

Les supports des conseillers

Manifestation contre la corruption ©Deepankar Raj

contre la corruption ©Deepankar Raj

Les entreprises peuvent aussi se tourner vers ceux qui les accompagnent en Inde. Chez E&Y, « on sait aider nos clients à mettre en place des garde fous : lutte anti-fraude, anti-corruption au sein d’une entreprise, à mettre en place des systèmes de surveillance interne. Et quand un client rachète une entreprise indienne, on sait identifier, en regardant les comptes, ce qui est bizarre. Si on a suffisamment d’infos, on peut aussi dire où est passé l’argent et à quoi il a servi. Cela fait partie de nos métiers. »

Ce qui signifie une chose : en Inde, on peut parler de corruption.

« Dans certains cas », admet un consultant, « on reste très pudique et on parle de gouvernance. Après on parle de risque de fraudes, ce qui couvre tout et n’importe quoi. On parle de corruption, publiquement, sans forcément utiliser le terme. On en parle avec les représentants officiels. Contrairement à la Chine. Je n’imagine pas une seconde mes collègues parler corruption avec l’ambassade de Chine alors qu’on en parle facilement avec l’ambassade de l’Inde. Les Indiens ont pris conscience qu’il y avait un problème. »

Les lois se suivent (Right to Information Act de 2005, Companies Act de 2013, qui punit sur les fraudes et tentatives de corruption des entreprises…), ce qui rend l’administration plus transparente. Et si leur application prend du temps, il y a des progrès notables. Dans le classement mondial sur la corruption de l’ONG Transparency, l’Inde est ainsi passée d’une infamante 94e place sur 175 à 85e en deux ans. Un petit pas qui fait naître de grands espoirs.

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L’Occitane est en Provence… et aussi en Inde

Depuis 2010, l’Occitane en Provence déploie ses classiques à la pivoine, à la verveine et au karité pour séduire les Indiens. Comment s’est-elle implantée ? Et surtout comment fait-elle pour durer face à une féroce concurrence ? Gilles Moutounet, ancien country manager de la marque, revient sur le développement de l’Occitane en Inde.

Où en est L’Occitane aujourd’hui en Inde ?

Nous avons 10 magasins à Bombay, Pune, Chandigar, Calcutta, Bangalore, Delhi, Hyderabad. Vu la taille du pays, il y a encore du travail. Body Shop, en comparaison, a près de 200 boutiques.

Face à une concurrence féroce sur le marché des cosmétiques, comment L’Occitane s’est-elle implantée en Inde ?

Tout tient dans le choix des points de vente. L’Occitane est très présente dans le travel retail notamment en Asie. Elle a acquis une notoriété qu’elle n’avait pas il y a 10-15 ans. Les Indiens qui voyagent à Londres, Hong Kong, Singapour ne peuvent rater la marque dans les aéroports. Et dans les shopping mall, nous avons bien négocié nos emplacements.

Qui sont les clients de l’Occitane en Inde ?

Nos clients indiens lisent la presse, les magazines, voyagent. Ils sont modernes dans leur esprit. Mais il y a un truc différent en Inde. La gamme homme marche très très bien. Mieux ici qu’ailleurs. Elle représente 15% des produits de vente, contre 1% au Japon, par exemple, où l’Occitane est implantée depuis bien plus longtemps. Et cela sans compter les produits unisexes (shampoing, soins anti-âge). Mais là, nous n’avons pas de chiffres. L’explication ? Les hommes indiens prennent soin d’eux. Beaucoup vont suer ensemble à la gym, ils sont tous beaux et essaient de prendre soin de leur corps.

Une clientèle fidèle alors ?

70% de notre clientèle revient régulièrement. C’est le business model des marques de cosmétiques : quand un client aime bien un produit cosmétique, il revient pour en racheter. On est loin des gammes de savons avec lesquels L’Occitane a commencé dans les années 1980. Un savon, ce n’est pas très fidélisant. Alors qu’avec les cosmétiques, une fois qu’on est convaincu, on revient.

Et ce, en dépit de prix assez élevés pour le marché indien ?

L’Occitane n’est pas une marque de luxe, Nous nous situons dans le haut de gamme supérieure. C’est vrai que le panier moyen est élevé, d’autant plus que les gens achètent, en moyenne, 3 produits. Nos prix sont entre 0 et 5% plus chers qu’à Hong Kong. C’est assez courant en cosmétique : nos prix sont assez similaires partout dans le monde, hormis dans des pays comme le Japon où tout est plus cher.

Quels produits ont le plus de succès ?

Comme dans le reste du monde, la gamme à l’immortelle anti-ride et anti-âge est notre plus grand succès en Inde.

Y a-t-il des produits développés spécifiquement pour ce marché ?

Non ce n’est pas le cas. Tous les produits vendus en Inde sont fabriqués en France. On choisit dans la large gamme développée en France parmi les nouveaux produits qui sortent tous les mois. En fonction de notre connaissance du marché, on choisit de lancer tel ou tel produit.

Quid des valeurs de la marque comme l’environnement ?

Nous sommes très engagés sur l’environnement. Les vendeurs et vendeuses ont des trainings réguliers pour faire passer le message. Est-ce que les gens reviennent pour ça ? Ce n’est pas sûr. Les clients viennent d’abord parce que nos magasins sont beaux, chaleureux, ils sentent bon, respirent le bien-être. Je crois que c’est plus cela que le côté bio qui les attire.

Importer la totalité de la marchandise, c’est aussi payer des droits de douane ?

Les contraintes sont énormes, sans compter qu’en Inde, il y a toujours des problèmes avec les douanes.

Des problèmes ?

C’est un pays à problèmes. Ce qui doit se passer ne se passe pas et vice versa. Tous les jours, nous jouons les pompiers: on éteint un feu quelque part et un autre s’allume ailleurs. Il a toujours un couac, toujours un produit qui manque dans les containers. Mais c’est comme ça partout. Il n’y a qu’en Europe que ça se passe assez bien.

A Delhi, tout dépend des fonctionnaires. Ce qui est valable ce mois-ci ne l’est plus forcément le mois d’après. Il y a toujours des difficultés administratives.

Les marques occidentales parviennent-elles à s’implanter sur le marché indien ?

Il ne faut pas voir l’Inde comme la poule aux œufs d’or. Il y a, par exemple, une chaine de salons de coiffure française qui s’est implantée en Inde. Et c’est compliqué : chaque salon est profitable en soi, mais cela ne couvre pas les frais de structure.

Une grande marque de distribution de cosmétiques, présente depuis 2 ans, en est à son 3ème partenaire indien. Comment construire quand tous les 6 mois, les employés ne savent pas s’ils vont être rachetés ou pas ? Le problème, c‘est que les Occidentaux attendent des résultats trop rapidement. Réussir en Inde, c’est d’abord prendre son temps, bien choisir son partenaire et ne pas s’affoler. Il faut passer du temps sur place pour comprendre le marché, repérer les bons emplacements,  être là sur le long terme et ne pas attendre de profit dans les 3 ans à venir. Ça ne marche pas.

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Paris Delhi, Purple Jungle… du sourcing au design

Paris Delhi, Purple Jungle ou l’expérience d’Emeline Leveillé Nizolle, entrepreneuse touche–à–tout

Iris et Emeline, cofondatrices de Purple Jungle

Iris et Emeline, cofondatrices de Purple Jungle

Cofondatrice, en 2005, de Paris Delhi, Emeline produit les créations haut de gamme et luxe de jeunes designers européens. Après le sourcing, le design. En 2010, avec Iris Strill, Emeline se lance dans l’aventure Purple Jungle : des lignes de sacs, accessoires et objets de déco design, inspirés par le kitsch indien.

 

Pourquoi l’Inde ?

Je suis arrivée en Inde suite à une proposition de travail, il y a 11 ans. Ce n’était pas forcement un pays qui m’attirait. Y ayant vécu 10 ans, j’en suis tombée complètement amoureuse.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’y travailler ?

Les opportunités. J’ai commencé en contrat local. Une fois de retour en France, beaucoup de mes connaissances m’ont demandé de m’occuper de la production de leurs collections de vêtements en Inde – j’ai accepté le challenge en créant Paris Delhi.

Il existe beaucoup d’agences de sourcing qui travaillent avec l’Inde. Quelle est la spécificité de Paris Delhi ?

Afin de faire connaitre Paris Delhi, j’allais 2 fois par an en France faire les salons de la mode. La proposition de Paris Delhi était d’aider les jeunes créateurs à produire leurs collections en Inde et donc de faire des petites quantités.

Aujourd’hui, l’entreprise existe toujours ?

L’entreprise existe toujours mais marche au ralenti depuis que je suis basée à Bali.

Pourquoi Purple Jungle ?

Purple Jungle ou le kitsch indien à l'honneur

Purple Jungle ou le kitsch indien à l’honneur

Purple Jungle est née de ma rencontre avec Iris Strill et notre amour commun pour l’Inde, son artisanat et ses kitscheries.

Comment votre expérience de Paris Delhi vous a servi pour Purple Jungle ?

Il a été beaucoup plus simple pour moi de créer et de faire grandir Purple Jungle. Grâce à Paris Delhi, j’avais une plus grosse connaissance sur la partie administrative d’une société en Inde.

Pourquoi l’Indonésie aujourd’hui ?

L’Indonésie est un choix familial, mon mari, également entrepreneur, a monté un bureau pour Shanti Travel ici. Nous avons donc choisi de nous y installer.

 

Purple Jungle, l'une des boutiques, entre kitsch et couleurs de l'Inde

le style Purple Jungle, entre kitsch et couleurs de l’Inde

Comment parvenez-vous à vous organiser depuis l’Indonésie ?

Depuis que je suis en Indonésie, mon associée s’occupe de tous les soucis sur place en Inde. Pour ma part, je travaille davantage sur la partie commerciale.

Purple Jungle existe depuis 5 ans : de nouveaux projets à venir ?

Pour le moment pas de nouveau projet, plutôt consolider le succès de cette société en faisant attention à la concurrence.

Quels conseils pour les entrepreneurs qui veulent se lancer en Inde ?

La patience. Il faut accepter de tout réapprendre. L’Inde ne fonctionne comme aucun autre pays. Restez calme et appréciez les possibilités.

 

et où trouver les objets et accessoires de Purple Jungle ?

Dans la boutique Shanti Travel de Pondicherry,  et aussi à Goa, dans différentes boutiques :  Aumade, La Mangrove, AZ Shop, ainsi que sur les marchés du samedi (ou sur Facebook : facebook.com/PURPLE-JUNGLE.

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