Franck Barthelemy : du pétrole à l’art

Passer des groupes pétroliers à l’art contemporain ne va pas de soi. C’est pourtant le parcours de Franck Barthelemy, avec l’Inde comme toile de fond.

Du forcing pour aller en Inde

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Franck Barthelemy, du pétrole à l’art contemporain

Si Franck Barthelemy connaît l’Inde depuis 1993, sa rencontre avec le pays n’a pourtant rien eu d’un coup de foudre. « J’ai fait un stage de 15 jours à Delhi pendant mes études, c’était sympa mais sans plus. Puis j’ai été recruté par le ministère des Affaires étrangères, qui proposait des VSNA aux meilleurs étudiants des écoles de commerce. J’avais gardé un bon souvenir de mon stage et j’ai dit oui. C’est ainsi que je suis arrivé à Bombay en 1993. »

Si Franck apprécie Bombay et notamment la vie nocturne, son activité n’a rien de passionnant. Après avoir prolongé son VSNA de quelques mois, il finit par rentrer en France et est immédiatement recruté par des compagnies pétrolières, où « pendant longtemps, j’ai essayé de convaincre Exxon et BP qu’il fallait aller en Inde ».

Ses efforts finissent par payer. Au bout de 10 ans de forcing, vers 2004, lorsque BP décide de se lancer en Inde, Franck Barthelemy est désigné pour installer la marque sur place. Avec une équipe de 5 personnes pendant trois mois, il doit proposer une stratégie pour implanter la marque. « Nous avions carte blanche pour monter un projet, mais il fallait être ambitieux ».

Un business model différent

Un homme va alors aider la petite équipe à faire la différence : C. K. Prahalad. Pour lui, le principe de base, en Inde, c’est de s’intéresser au bas de la pyramide (The fortune at the bottom of the pyramid). Le défi est de monter un business model différent capable de créer un nouveau flux d’affaires avec les populations pauvres et rurales.

Franck reste quelques années en Inde, le temps de créer la filiale et de mettre en place l’équipe qui allait faire fonctionner cette nouvelle société. « L’expérience avec CK Prahalad a été extraordinaire. Nous avions le soutien d’une grosse entreprise, ce qui limitait les risques, mais nous fonctionnions comme une start up, cinq entrepreneurs qui se lançaient en Inde. Quand je suis parti, nous avions près de 3 millions de clients dans trois régions de l’Inde. Cette expérience a transformé nos vies à tous les cinq. Nous avons vécu quelque chose de fort avec une personnalité hors du commun et un P.-D.G. qui nous poussait à faire les choses pas comme les autres. Cela m’a attiré vers l’entrepreneuriat. »

Une année sabbatique consacrée à l’art contemporain

Franck effectue d’autres missions qui l’amènent à passer plusieurs années en Inde. À l’issue de l’une d’elles, il rentre à Londres… en 2008. Dans le marasme de la crise financière, alors que les projets dont il est chargé n’aboutissent pas, il décide de prendre une année sabbatique pour se consacrer à l’art. « Je suis passionné et collectionneur. Je suis retourné en Inde, j’ai visité des ateliers d’artistes, des vendeurs, des collectionneurs. Et à la demande de mes amis, j’ai commencé à chercher des peintres indiens à Paris. C’est une passion et l’opportunité qui m’ont fait devenir un marchand d’art qui compte sur le marché indien. J’ai pu travailler avec Anish Kapoor, Botero… C’est presque un hasard si je suis devenu entrepreneur. »

Un emballement pour l’art contemporain

L’intérêt de l’Inde pour l’art contemporain est pourtant récent. Il a vu le jour avec un groupe d’artistes emmené par MF Husain dans les années 60. « Au départ, on achetait des œuvres de Husain pour quelques milliers de roupies » explique Franck. Le marché de l’art contemporain démarre vraiment au milieu des années 2000.

« À cette époque, tout s’est appelé art. Le marché s’est emballé, tout ce qui était dans un cadre ou sur un piédestal pouvait se vendre. La crise a remis de l’ordre dans ce chaos. Les acheteurs, les collectionneurs ont réalisé que ce qu’ils achetaient – cher – n’était pas bon. Ils ont commencé à faire attention. Ils se sont concentrés sur des oeuvres de meilleure qualité, qui faisait sens pour eux. »

Le public est de plus en plus averti. Les mauvaises galeries ont fermé, seules les bonnes galeries survivent et tirent leur épingle du jeu. C’est une période de transition où les prix du marché se sont effondrés. Un Subodh Gupta qui se vendait jusqu’à 1 million dollars avant la crise, peut se négocier aujourd’hui à 100 000 dollars.

Un marché d’avenir

L’art contemporain en Inde est encore un marché de niche. De plus en plus de millionnaires indiens figurent parmi les 500 premières fortunes au classement de Forbes, mais contrairement aux Américains de ce classement, ce ne sont pas encore des collectionneurs. L’Inde est un peu en retard dans sa culture d’achat de l’art contemporain. « Mais c’est un marché qui a beaucoup d’avenir », affirme Franck Barthelemy.

Quand il a commencé à vendre de l’art contemporain, de nombreuses connaissances lui ont prédit un échec assuré. « J’ai décidé de montrer ce que c’était que l’art contemporain : j’ai participé à des conférences, j’ai écrit sur la scène artistique, j’ai montré des œuvres. Et maintenant, ça marche bien, même si ce n’était pas gagné au départ. » Il estime qu’à l’heure actuelle, plusieurs dizaines de milliers de personnes s’intéressent à l’art contemporain en Inde, voire possèdent quelques œuvres, sans pour autant y investir des millions de dollars, comme ses quelques clients.

L’Inde compte à l’heure actuelle une vingtaine de grands collectionneurs. « J’ai eu la chance de commencer mon aventure indienne à l’ambassade. Là-bas, je me suis constitué un assez beau réseau d’amis avec qui je sortais le soir. Ils faisaient tous plus ou moins partie des grandes familles indiennes. J’ai continué à les côtoyer. Lorsque je suis devenu marchand d’art, je leur ai demandé si cela les intéressait. Ils ont le même âge que moi et sont à la tête des entreprises fondées par leurs parents ou leurs grands-parents. Ils font partie des acheteurs potentiels d’art contemporain. » Ensuite, tout se fait par bouche-à-oreille. « Comme je vends des artistes très connus, si un client indien veut acquérir l’une de leurs œuvres, il m’appelle ».

Des artistes à découvrir

Franck Barthelemy travaille également à faire découvrir et acheter de l’art contemporain indien. « Il y a de très bons artistes indiens qui méritent d’être introduits auprès de grandes galeries étrangères. J’essaie d’aider de jeunes collectionneurs occidentaux à découvrir l’art contemporain indien. Je les emmène sur les foires et les biennales, comme celle de Kochi. C’est le moyen de rencontrer les artistes, de comprendre ce qu’ils font et de les soutenir. Faire connaître l’art contemporain indien, c’est une partie passionnante de mon job. »

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