S’investir sur le long terme

Alessandro Fichera

Alessandro Fichera

Ne pas avoir peur de s’investir et de s’engager sur le long terme, c’est la condition pour réussir en Inde, rappelle Alessandro Fichera, senior partner à Octagona et auteur de Strategie, modelli e regole per affrontare il mercato Indiano

(2009, Ed. Confindustria Modena –Promos)

Investir  en Inde aujourd’hui, est-ce une bonne idée?

Bien sûr, cela vaut la peine d’investir : le coût du travail est plus bas qu’en Europe, le potentiel de développement pour les entreprises est très important… De plus, c’est un pays très agréable. La population est jeune, en croissance, de même que le pouvoir d’achat. Dans les années à venir, ce sera un marché de première importance. Mais il faut le comprendre pour y réussir. Or ce n’est pas un pas simple, loin de là. C’est même un pays très complexe.

Quel est le portrait type de l’entrepreneur italien en Inde ?

Les entreprises italiennes qui se lancent sur le marché indien sont de grande ou moyenne taille. Mais surtout elles sont dirigées par des entrepreneurs capables de voir loin.

Beaucoup sont des entreprises industrielles ou de manufacture implantées en Inde pour produire sur place. C’est d’ailleurs le genre d’entreprises que le gouvernement indien de Narendra Modi cherche à attirer en Inde, avec la campagne « Make in India ». L’Inde a besoin d’investissements, elle dispose d’une main d’œuvre importante qui doit être absorbée sur le marché du travail. Pour les entreprises étrangères, qui investissent et produisent sur place en embauchant des ouvriers indiens, c’est aussi un moyen plus facile pour se lancer en Inde. En comparaison, les entreprises qui exportent en Inde sont confrontées à des taxes à l’entrée très élevées ainsi qu’à de multiples difficultés administratives.

Quels secteurs/produits peuvent réussir ?

L’Inde n’a pas besoin de produits pensés et fabriqués pour les occidentaux. Elle veut des produits pensés et fabriqués pour elle, qui répondent aux besoins des Indiens, à leur mode de vie ainsi qu’aux prix du marché indien. Les entreprises françaises et italiennes qui veulent réussir en Inde doivent songer à lancer des produits spécifiques destinés aux Indiens.

 

La gastronomie italienne, connue dans le monde entier, pourrait-elle avoir du succès en Inde ?

Même connus dans le monde entier, les produits italiens risquent de ne pas percer en Inde. Pour exporter des produits comme le parmegiano reggiano, en plus de payer des droits de douanes très élevés, les entreprises italiennes doivent d’abord lancer de grandes campagnes de communication pour faire connaître le parmesan. En encore, il n’est pas sûr qu’ils trouvent ensuite des débouchés intéressants.

Il y a des entreprises qui ne réussissent pas ?

Oui et ce sont celles qui n’ont pas compris la culture indienne. Certaines s’installent sans chercher à comprendre qui sont les Indiens. De nombreux projets lancés en Chine ont été copiés tels quels en Inde. Bien sûr, cela n’a pas fonctionné. Les entreprises n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer sur l’argent dépensé en vain en Inde.

Alors, que faut-il faire pour réussir ?

Pour réussir dans ce pays, il faut d’abord s’y rendre, prendre quelques contacts, sentir l’ambiance et l’air du temps. Puis il faut choisir et identifier le marché ciblé. Oubliez les objectifs à court terme. Il faut avoir une vision sur au moins 5 ans et investir beaucoup de temps, d’argent et d’énergie avant d’avoir des résultats satisfaisants. Enfin, bien sûr, il faut analyser et prévoir le projet jusque dans ses moindres détails.

Il n’y a pas de grandes différences entre les entreprises italiennes et françaises en Inde. Les deux pays comptent des champions de la technologie. C’est ce dont L’Inde a besoin, et qu’elle recherche. Il y a donc d’intéressants partenariats possibles avec l’Inde pour importer des technologies de pointe. Et n’oublions pas que des entreprises indiennes peuvent également avoir intérêt à nouer des partenariats pour pénétrer le marché européen.

Quid des relations diplomatiques tendues entre l’Italie et l’Inde ?

Il y a effectivement un stand by diplomatique entre l’Italie et l’Inde avec cette affaire, ce qui est malheureux car c’est le moment idéal pour renforcer les relations avec l’Inde au vu de la politique d’accueil des entreprises étrangères menée par le gouvernement Modi.

Mais cela reste au niveau institutionnel. Dans le monde des affaires, les entrepreneurs italiens continuent de se rendre en Inde et vice-versa.

Lien Permanent pour cet article : https://www.theindianproject.com/investir-long-terme-inde/

Bed & Chaï, deux entrepreneuses en Inde

Bed & Chaï, est né en 2012 de la rencontre, à Delhi, de deux jeunes femmes expatriées, Coraline Joveneaux et Clara Kanner, décidées à lâcher leur boulot salarié pour se lancer dans l’hôtellerie.

l'une des 8 chambres de Bed & Chaï

L’une des chambres de Bed & Chaï

L’envie de se lancer

C’est au cours d’un diner que Clara et Coraline ont pour la première fois évoqué la possibilité d’ouvrir une guest-house ensemble. Clara, tombée amoureuse de l’Inde lors d’un stage au cours de ses études, travaille alors pour Veolia Environnement, tandis que Coraline dirige la filiale indienne d’une entreprise de contrôle qualité, après avoir travaillé en Espagne et en Chine. Toutes deux ont des envies de changement et des économies. Clara est, depuis toujours, attirée par l’hôtellerie.

Un soir, elle parle de son projet à Coraline qui y voit immédiatement tout le potentiel possible : une guest house middle class à Delhi, pour une clientèle jeune, qui aime voyager, alternative convaincante lorsque le choix se réduit à des hôtels 5 étoiles ou des guest house populaires. Après avoir trouvé et entièrement repensé et restaurer un local situé sur Greater Kailash, elles montent leur projet en 4 mois. En juillet 2012, Bed & Chaï ouvre ses portes.

Une chambre de Bed & Chaï

Une chambre de Bed & Chaï

Une oasis de calme au cœur de Delhi

Depuis, la guest house ne désemplit pas. « Les clients qui arrivent à l’hôtel, que ce soit au début ou à la fin de leur voyage en Inde nous le disent : ils se sentent comme à la maison. C’est propre, calme. Nous sommes là, ainsi que les employés, on s’occupe de retenir leurs billets de train, on les conseille, on les encadre. Ils peuvent rentrer quand ils veulent, ils ont la clé. La cuisine est en libre accès, ils peuvent se préparer un repas s’ils ne souhaitent pas sortir…. »  Bed & Chaï, c’est aussi un lieu de rencontres entre voyageurs d’horizons divers. Car si la guest house accueille encore aujourd’hui, une majorité de Français (environs 60%), 35% des clients viennent d’autres pays européens, mais aussi d’Australie ou des Etats-Unis. Enfin, 5% des clients sont indiens, qui viennent par bouche à oreille ou via le site Airbn’b, curieux de découvrir un hôtel à la française et de rencontrer des étrangers. Certains, venus à Delhi « pour le boulot, reviennent ensuite chez nous, car ils ont apprécié l’expérience.».

Le bouche à oreille virtuel fait  la différence : nombreux sont les clients qui viennent après avoir lu les commentaires élogieux sur Trip Advisor.

Et maintenant ?

Aujourd’hui, Bed & Chaï, ce sont deux guest houses, l’original et Bed & Chaï Masala, ouverte en partenariat avec l’ONG ESCIP, dont le but est d’aider les personnes paraplégiques à devenir autonomes et à retrouver une activité professionnelle. Une troisième guest house destinée à une clientèle d’affaires est en cours d’ouverture. Mais l’aventure ne s’arrête pas là pour Clara et Coraline qui voient maintenant au-delà de l’Inde pour essaimer le concept des guest-house où l’on se sent « comme à la maison ».

Lien Permanent pour cet article : https://www.theindianproject.com/bed-chai-entrepreneuses-inde/

La France et les Français …. vus par l’Inde

Comment les Indiens voient la France ? Quels sont les atouts des Français pour réussir en Inde ? Conseiller principal en stratégie du Global Development Network, Tuhin Sen est titulaire d’un Master of Public Affairs obtenu à Sciences Po Paris en 2007. Mais c’est surtout un amoureux de la France, qui s’est donné les moyens (et c’était loin d’être facile !) de passer un an dans un pays qui le fascinait.

Qu’est-ce que les Indiens connaissent de la France? 

Tout dépend de la personne à qui vous posez la question. Un homme d’affaires de Delhi connaîtra le Louvre, Dom Pérignon, le Ritz à Paris, Chanel, Louis Vuitton, Cannes, Saint-Tropez, le Lido, le Crazy Horse, ce genre de chose.

Un Bengali de Calcutta connaîtra la Sorbonne, Sartre, Beauvoir, Camus, Godard, Derrida, Cartier-Bresson, Doisneau, Monet, Manet, la révolte étudiante de 1968, les cafés (sans avoir les moyens d’y aller, ceci dit).

Pourquoi avoir choisi la France pour faire votre MPA ?

Je suis tombé amoureux de la France sans y avoir jamais mis les pieds. J’aimais cet esprit qui a donné naissance à la Renaissance, à l’art, à la culture, au cinéma, à la musique, à la nourriture aussi. Ayant grandi à Calcutta, qui est assez occidentalisée, je pouvais m’identifier à la littérature française (même si je ne peux lire que des traductions) : le début de L’Étranger de Camus : «Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. ». Un tel détachement stoïque des liens filiaux était choquant mais surtout le signe d’un système de croyances très évolué. C’était du moins mon impression quand je l’ai lu à 18 ans. Je me rappelle aussi Catherine Deneuve, dans Ma saison préférée, que j’ai vu bien plus tard.

J’ai fait un énorme sacrifice personnel et professionnel en m’arrêtant de travailler pour aller étudier à Sciences Po. Je tenais absolument à cette expérience. J’ai quitté un poste en or de directeur artistique dans l’une des agence de pub les plus connues au monde, ai vécu avec 700 euros par mois (ce qui est moins qu’une nuit au Ritz, je suppose). Mais j’ai tellement gagné au change.

Comment les Français voient-ils l’Inde ?

Pour les Français, l’Inde est un pays chaotique, avec des nuances culturelles difficiles à comprendre. Ils pensent également que les Indiens sont chaleureux, amicaux et bien disposés envers la France, mais aussi qu’il est très difficile de faire des affaires en Inde. C’est un pays qui dispose de ressources intellectuelles énormes, et qui offre de multiples compétences, même si les Français estiment que les Indiens ne respectent jamais les délais.

Quelles sont les plus grandes erreurs commises par les Français à propos de l’Inde ?

Tout simplement de juger l’Inde d’après une seule expérience, survenue dans une partie de l’Inde et de l’extrapoler au reste du pays. Par exemple, Calcutta, où je suis né et où j’ai grandi, est une ville où la culture française est transmise de génération en génération. J’ai grandi en regardant les films de Truffaut, Buñuel, Jean Renoir. Nous connaissons les œuvres de grands artistes français, même si nous n’avons pas les moyens d’aller les admirer sur place.

Un Indien originaire de Delhi peut visiter Paris chaque été pour rester à la page, profiter de la gastronomie et des paysages français, mais il n’aura pas la moindre idée de ce qu’est l’âme de la France. Que les Français mettent ces deux Indiens dans le même panier est une erreur. L’Inde est composée de la diversité des Indiens.

Quelles sont les forces (et les faiblesses) des Français pour réussir en Inde ?

Les Français sont sensibles, perceptifs. En France, les gens lisent dans le métro, sont éduqués et possèdent la sensibilité culturelle nécessaire pour apprécier la diversité de l’Inde.

Ne pas parler anglais couramment est leur point faible. Le manque d’immersion culturelle aussi. Les jeunes Français vont en Europe, en Afrique francophone, en Amérique latine, pour élargir leurs horizons, mais ils ne vont pas en Inde. Du coup, lorsqu’ils viennent ici comme entrepreneurs, ils luttent pour comprendre la réalité locale.

Qu’est-ce que les Français auraient intérêt à connaître de l’Inde avant d’y aller ?

Regardez au-delà de Bollywood. Voyagez dans d’autres États et d’autres villes que les habituels spots touristiques. Venez étudier en Inde ou faire des stages. Cherchez à comprendre les aspirations de la nouvelle classe moyenne et tout ce qui fait qu’un Indien est fier d’être indien. Allez visiter les quartiers, pas seulement les monuments, pour comprendre les masses qui migrent vers les villes. Et regardez le cinéma régional : c’est la meilleure fenêtre pour comprendre l’âme diverse de l’Inde.

Lien Permanent pour cet article : https://www.theindianproject.com/france-les-francais-vue-linde/

Load more

%d blogueurs aiment cette page :